Confiné.es, privé.es de manifestation, mais pas bâillonné.es ! La CGT propose de s’exprimer sur les réseaux sociaux afin de faire connaître les revendications pour la reprise du travail après confinement et les exigences pour l’après COVID 19 qui ne peuvent s’imaginer qu’avec une rupture avec le libéralisme. Nous publions une petite histoire du 1er mai et de ses manifestations. Des journées au départ de beaucoup d’avancées sociales.
1884 : Congrès de l’American Federation of Labor
Au IVème congrès de l'American Federation of Labor, en 1884, les principaux syndicats ouvriers des États-Unis s'étaient donné deux ans pour imposer aux patrons une limitation de la journée de travail à huit heures. Ils avaient choisi de débuter leur action un 1er mai parce que beaucoup d'entreprises américaines entamaient, ce jour-là, leur année comptable.
Arrive le 1er mai 1886. Un grand nombre de travailleurs obtiennent immédiatement satisfaction de leur employeur (près de 200 000 travailleurs). Mais d'autres, moins chanceux, au nombre d'environ 340 000, doivent faire grève pour forcer leur employeur à céder.
Le 3 mai, une manifestation fait trois morts parmi les grévistes de la société McCormick Harvester à Chicago. Une marche de protestation a lieu le lendemain et dans la soirée, tandis que la manifestation se disperse à Haymarket Square, il ne reste plus que 200 manifestants face à autant de policiers. C'est alors qu'une bombe explose devant les forces de l'ordre. Elle fait une quinzaine de morts dans les rangs de la police.
Trois syndicalistes anarchistes sont jugés et condamnés à la prison à perpétuité. Cinq autres sont pendus le 11 novembre 1886 malgré des preuves incertaines (ils seront réhabilités plusieurs années après).
Sur une stèle du cimetière de Waldheim, à Chicago, sont inscrites les dernières paroles de l'un des condamnés, Augustin Spies : « le jour viendra où notre silence sera plus puissant que les voix que vous étranglez aujourd'hui ».
Manifester pour la journée de 8 heures
Trois ans après le drame de Chicago, la IIème Internationale socialiste réunit à Paris son deuxième congrès. Celui-ci se tient au 42, rue Rochechouart, salle des Fantaisies parisiennes, pendant l'Exposition universelle qui commémore le centenaire de la Révolution française. Les congressistes se donnent pour objectif la journée de huit heures (soit 48 heures hebdomadaires, le dimanche seul étant chômé), sachant que jusque-là, il était habituel de travailler dix ou douze heures par jour (en 1848, en France, un décret réduisant à 10 heures la journée de travail n'a pas résisté plus de quelques mois à la pression patronale).
Le 20 juin 1889, sur une proposition de Raymond Lavigne, ils décident qu'il sera « organisé une grande manifestation à date fixe de manière que dans tous les pays et dans toutes les villes à la fois, le même jour convenu, les travailleurs mettent les pouvoirs publics en demeure de réduire légalement à huit heures la journée de travail et d'appliquer les autres résolutions du congrès. Attendu qu'une semblable manifestation a été déjà décidée pour le 1er mai 1890 par l'AFL, dans son congrès de décembre 1888 tenu à Saint Louis, cette date est adoptée pour la manifestation ».
Le 1er mai 1891 à Fourmies
Dans cette petite ville du nord de la France, la manifestation rituelle tourne au drame. La troupe équipée des nouveaux fusils Lebel et Chassepot tire à bout portant sur la foule pacifique des ouvriers. Elle fait dix morts dont 8 de moins de 21 ans. L'une des victimes, l'ouvrière Marie Blondeau, habillée de blanc et les bras couverts de fleurs, devient le symbole de cette journée.
Avec le drame de Fourmies, le 1er mai s'enracine dans la tradition de lutte des ouvriers européens. Quelques mois plus tard, à Bruxelles, l'Internationale socialiste renouvelle le caractère revendicatif et international du 1er mai.
L'horizon paraît s'éclaircir après la Première Guerre mondiale. Le traité de paix signé à Versailles le 28 juin 1919 fixe dans son article 247 « l’adoption de la journée de huit heures ou de la semaine de quarante-huit heures comme but à atteindre partout où elle n'a pas encore été obtenue ».
Les manifestations rituelles du 1er mai ne se cantonnent plus dès lors à la revendication de la journée de 8 heures. Elles deviennent l'occasion de revendications plus diverses. La Russie soviétique, sous l'autorité de Lénine, décide en 1920 de faire du 1er mai une journée chômée. Cette initiative est peu à peu imitée par d'autres pays... L'Allemagne nazie va encore plus loin : Hitler, pour se rallier le monde ouvrier, fait dès 1933, du 1er mai une journée chômée et payée.
Du triangle au muguet
En France, dès 1890, les manifestants du 1er mai ont pris l'habitude de défiler en portant à la boutonnière un triangle rouge. Celui-ci symbolise la division de la journée en trois parties égales : travail, sommeil, loisirs.
Le triangle est quelques années plus tard, remplacé par la fleur d'églantine. En 1907 à Paris, le muguet, symbole du printemps en Île-de-France, remplace cette dernière. Le brin de muguet est porté à la boutonnière avec un ruban rouge.
Le 23 avril 1919, le Sénat français ratifie la journée de huit heures et fait du 1er mai suivant, à titre exceptionnel, une journée chômée.
Dans l’histoire du 1er Mai, l’année 1936 est certainement une des plus importantes. Plusieurs événements vont la marquer. D’abord dès le mois de mars se tient du 2 au 6 le congrès au cours duquel la CGT se réunifie. Ensuite la manifestation du 1er mai tombe deux jours avant les élections législatives qui vont porter au pouvoir les forces politiques du Front populaire et porter à la tête du gouvernement français le leader socialiste Léon Blum. Enfin, après un mouvement de grève mémorable, sont signés en juin les accords de Matignon qui légalisent la semaine de quarante heures, les congés payés ainsi que les conventions collectives. L’année suivante le 1er Mai 1937 aura lieu sans doute la plus grande manifestation jamais organisée en France.
1941 : la fête du Travail
C'est pendant l'occupation allemande, le 24 avril 1941, que le 1er mai est officiellement désigné comme la fête du Travail et de la Concorde sociale et devient chômé. Cette mesure est destinée à rallier les ouvriers au régime de Vichy. Son initiative revient à René Belin. Il s'agit d'un ancien dirigeant de l'aile socialiste de la CGT (Confédération Générale du Travail) qui est devenu secrétaire d'État au Travail dans le gouvernement du maréchal Pétain.
À cette occasion, la radio officielle ne manque pas de préciser que le 1er mai coïncide avec la fête du saint patron du Maréchal, Saint Philippe (aujourd'hui, ce dernier est fêté le 3 mai) !
1947 : journée chômée
En avril 1947, sur proposition du député socialiste Daniel Mayer et avec l’accord du ministre du Travail, le communiste Ambroise Croizat, le 1er mai devient dans toutes les entreprises publiques et privées un jour « chômé et payé ». Autrement dit, le 1er mai n'est toujours pas désigné officiellement comme fête du Travail. Cette appellation n'est que coutumière....
1954 : les manifestations sont interdites
Alors que la guerre d’Indochine se termine pour les autorités françaises avec la partition du Vietnam, une autre guerre, une guerre sans nom commence en Algérie. Elle va durer huit ans.
Dès lors les manifestations seront interdites dans Paris. Celle du 1er mai 1954 se transformera en un rassemblement sur la pelouse de Reuilly.
De 1968 à nos jours
Il faudra attendre quinze années c’est-à-dire 1968 pour qu’à l’initiative de la CGT, à nouveau, le monde du travail se donne rendez-vous dans les rues de Paris pour défiler un 1er mai. Le cortège partira de la République pour se rendre à la Bastille symbole des libertés recouvrées.
Depuis, les cortèges du 1er mai ont connu des fortunes diverses.
La manifestation des plus importantes de l’après mai 1968 fut probablement celle de 1975, qui fut prétexte à fêter la fin de la guerre du Vietnam, et celle de 2002, pour lutter contre les idées racistes et les propositions antisociales du Front National présent au second tour de l’élection.
Pour 2020, nous pourrions placer ce 1er mai sous l’égide de la protection des salarié.es et la nécessité de services publics renforcés dans leurs moyens et leur proximité.