Intervention 10 novembre 2016
Chers collègues,
Nous sommes réunis pour honorer la mémoire de toutes les victimes de la première guerre mondiale, hommage à tous les poilus comme l’avait souhaité le dernier d’entre eux, Lazare Monticelli dans son testament public en 2008.
Vous me permettrez de dire quelques mots de la vie de cet homme tant elle résonne avec des événements actuels et la stigmatisation de l’étranger, de l’autre, du migrant. Lazare était un enfant migrant italien. Arrivé en France tout seul à 9 ans pour rejoindre sa sœur ainée. Plus tard, quand la guerre se déclare, il s’engage. Il dira « j’ai voulu défendre la France car elle m’avait donné à manger ». Mais en 1915, l’Italie rejoint les alliés. On le somme alors de retourner dans son pays pour combattre. Il refuse indiquant que le fait de combattre pour la France faisait de lui un Français. Il est démobilisé de force et rejoint l’armée italienne. Ses faits d’armes lui valent une citation et le dégout de la guerre. Il écrira : « je tire sur toi mais je ne te connais pas. Si seulement, tu m’avais fait du mal » Quelques mots pour dénoncer l’absurdité de la guerre.
Une absurdité aux chiffres effrayants : 8 millions de français mobilisés, plus de 2 millions de victimes. Plus de 4 millions survécurent qu’après avoir subi de graves blessures, le corps cassé, coupé, gazé, la chair et l’âme abîmées quand elles n’étaient pas mutilées.
La France fut le seul pays dans lequel il était interdit de publier les pertes. Ce silence dura longtemps après la guerre ; nos livres d’histoires minorant les pertes d’une des plus grandes boucheries de l’histoire de l’humanité qui fît plus de 10 millions de morts et 20 millions de blessés essentiellement des militaires.
Longtemps aussi, le silence pesa sur le réel état d’esprit des poilus qui pour la plupart ne se faisaient aucune illusion sur le fondement de la guerre et qui pourtant accomplirent leur devoir avec un courage surhumain.
Comme une lueur dans ces tranchées si noires, les actes et l’idée même de paix s’est construite petit à petit comme la certitude que les peuples n’ont rien à attendre d’une confrontation entre eux. Ainsi, se multiplièrent les actes de révolte pacifique comme celle du chemin des dames en 1917 ou dés 1915 les trêves de pâques et de noël si magnifiquement relatés dans le film joyeux noël.
Aujourd’hui devant cette stèle rénovée par les employeurs après de multiples interventions de notre part, notre syndicat voulait redonner vie en quelque sorte pour quelques instants à nos trois collègues morts dans ce conflit, véritables soldats inconnus pour celles et ceux qui franchissent quotidiennement cette porte.
Marcel AMIOT est né le 30 novembre 1898, il était plombier, habitait ou avait de la famille à Seine Port et Vaux le Pénil puisque son nom figure sur les deux monuments de ces communes. Il est décédé de ses blessures de guerre.
René Ernest COUTOR, né le 29 janvier 1885 à Fontainebleau. Il exerçait le métier de chauffeur de four. Il est tué à l’ennemi dans l’Aisne le 29 avril 1917 à 32 ans, soldat 2eme classe au 41e régiment d’infanterie coloniale. Son nom est présent sur le monument de fontainebleau.
Louis, augustin VORIN. Il est né à Paris le 16 mars 1887 avant de rejoindre Melun. Electricien de profession, il est enrôlé comme maréchal des logis au 114 e régiment d’artillerie lourd. Il décède à 29 ans le 4 mars 1916 à l’ambulance 3/125 à Verdun quartier Bréveau suite à des blessures de guerre.
En votre nom et celui de la CGT, je veux dire à Marcel, René, Louis, Lazare et tous les poilus toute notre reconnaissance. Leur mémoire nous indique qu’il n’y a pas de paix acquise, et que l’état de paix est bien plus que l’absence de la guerre, les actes terroristes dont ont été victimes nos concitoyens nous le rappellent douloureusement.
Ainsi, le monde actuel avec l’explosion des inégalités gronde comme un volcan qui se réveille. Les va en guerre sont si nombreux et si décomplexés, Ils masquent derrière le fait religieux ou la valeur démocratie d’obscurs objectifs de conquêtes de territoires stratégiques.
Devant cette situation si périlleuse, notre engagement de syndicalistes comme de citoyens est de tout faire pour préserver et construire l’amitié entre les peuples, entre les salariés du monde et revivifiez le combat des pacifistes ici et ailleurs.
L’humanité a tant besoin de rapprochement des peuples, d’un programme international de désarmement. L’humanité a tant besoin de paix.
Jean-Luc Maillot, 10 novembre 2016